Sélection Pilote Cadet Air France 2018

Dans cet article, je souhaite rédiger l’expérience que j’ai vécue en me présentant aux sélections pilotes cadets d’Air France en 2018.

La reprise de cette sélection, 10 ans après sa fermeture en 2008, est arrivée comme une bombe dans le monde du transport aérien, et a fait parlé d’elle dans de nombreux médias. Cette sélection permet d’être formé pilote de ligne en tant que cadet de la compagnie Air France. Autrement dit, c’est Air France qui vous paie entièrement la formation, et vous embauche à l’issue.

Après quelques mois de rumeurs, cette nouvelle officielle est tombée peu avant Noël 2017. Un beau cadeau de la part de la compagnie donc. La reprise des sélections cadets allait faire beaucoup de bruit, et réveiller certains rêves endormis.

Notamment le mien. Cette profonde envie d’aller travailler là-haut, dans les airs. Un rêve enterré depuis mon adolescence, quand j’ai appris (à tord) que ma myopie était, d’une part, rédhibitoire. D’autre part, que la seule façon de devenir pilote était de s’endetter pendant 30 ans, sinon d’être au chômage. Alors, c’était peut être vrai en 2008. Mais, avec la conjoncture actuelle, ça l’est désormais beaucoup moins.

Restait donc à fixer le sort de mes yeux. Sont-ils trop myopes ? Ou pas ? Suis-je apte à piloter ? Pour en avoir le coeur net, prise de rendez vous au CEMA (Centre d’Expertise Médical du Personnel Navigant) d’Air France à Roissy en novembre 2017 pour une visite d’admission.

Une journée complète d’examens, et une satisfaction d’apprendre que ma myopie n’est que « légère », et que mon astygmatisme n’est pas trop fort non plus. Quelques jours plus tard, je recevais ce qu’on appelle la classe 1 médicale, qui autorise les PNT (les pilotes) et futurs PNT à voler.

Rien ne m’interdisait désormais de me présenter à cette sélection.

Après avoir rassemblé tous les documents nécessaires à la candidature, mon dossier est déposé dès fin janvier 2018. Nous apprenons alors que les 4800 candidats vont passer une phase dite de présélection (ou « PSY0 »), comprenant des tests de logique, de rapidité et de raisonnement, un test de culture générale aéronautique et un test d’anglais. Curieusement, cette phase se déroule chez nous, devant nos ordinateurs. Air France nous ayant envoyé au préalable un logiciel à installer à domicile. Le créneau alloué pour passer ces tests est de 36h. Nous sommes le 31 mars 2018.

Samedi matin. Après m’être aéré l’esprit, je m’assois devant mon PC et c’est parti pour 1h45 de tests en continu. J’en ressors épuisé mentalement. C’est fait.

Une semaine plus tard, j’ai le bonheur d’apprendre que je suis reçu aux présélections ! A ce stade, nous sommes encore 800 en lice.

Tout s’enchaine alors très vite. Trop vite. Suite à cette phase de PSY0, les candidats sont appelés pour passer une phase de sélection dans les locaux de l’ENAC à Toulouse. Cette phase, appelée « PSY1 », est composée de tests psychotechniques et psychomoteurs tout au long d’une journée (début 8h, fin 16h30)

Je suis convoqué le 26 avril, soit 2 semaines après les résultats des PSY0. Certes, je me suis déjà entrainé longuement à ces tests sur Internet, mais 2 semaines pour peaufiner mes performances, est-ce suffisant ? Je prends le risque. Je pouvais également être convoqué plus tard au courant de l’été, cela m’aurait laissé plus de temps. Mais était-ce nécessaire ? Peut-être que le rythme aurait été perdu d’ici là. Tant pis, j’accepte. Mes journées sont libres jusqu’au 26. Je m’entraine, encore et encore. C’est parti. Je m’envole pour Toulouse…

Le jour J approche. Je me sens surconditionné… Pressé d’en découdre mais animé d’une réelle appréhension. Début des tests. On commence par les maths. Avec un profil scientifique comme le mien, ce n’est pas ce que je redoute le plus. Pourtant, plusieurs questions me mettent en difficulté. Je prends trop de temps. Mon brouillon est peu clair. Je n’arrive parfois pas à me relire. Bref, ça commence mal. On enchaine sur une lecture de textes. Sans surprise, ma performance laisse à désirer. Je ne traite que quelques questions sur les vingt au total. La suite des épreuves est composée d’exercices spatiaux et géométriques que je pense réussir correctement dans l’ensemble.

On continue avec des tests de mémoire, puis d’attention. A cet instant, l’interface me déstabilise. L’affichage sur l’écran est d’une lenteur, si bien que j’ai l’impression de laisser passer de précieuses secondes à chaque nouvelle question. Bon, à priori, tout le monde est dans la même situation ! Le prochain test est la lecture d’instruments de bord. C’est à ce moment que tout bascule. Je comprends alors que mon surconditionnement pendant l’entrainement est, pour ce test, une bombe à retardement qui vient d’exploser. J’essaie d’aller vite, mais je laisse de côté la précision des mesures. Les minutes sont affreusement longues. Je n’y arrive pas, tout simplement. Qu’est ce qui se passe ? Qu’est ce qui m’arrive ? L’heure de la pause arrive. Au fond de moi, j’y crois toujours…

L’après midi, nous avons des exercices de calcul mental. Ma bête noire à l’origine, mais j’avais élaboré quelques techniques pour être plus efficace. Dans l’ensemble, je pense que ce n’est pas trop mal, sauf que je suis très lent, probablement à cause de la pression du jour J. Finalement, j’en viens à douter de mes résultats.

La journée est presque terminée. Nous finissons avec le célèbre test psychomoteur, ou test multi-tâche. 2 joysticks à manipuler, des alarmes à éteindre avec des touches du clavier et du calcul mental en même temps. Performance mitigée. L’impression d’avoir fait du correct, mais sans plus.

Bref, le trajet du retour vers Paris va être assez sombre. Le sentiment de ne pas avoir été à la hauteur, le sentiment de m’être précipité.

Les résultats tombent une semaine après.

Sans surprise, je reçois un mail d’Air France, avec, comme objet :

« Candidature non retenue »

Tout s’arrête à cet instant. Je ferme les yeux, les réouvre et lis la suite du mail.

C’est confirmé, c’est bien un échec…Quelle déception… Alors ça y est, c’est fini ? Ca n’ira pas plus loin cette année. Tous ces efforts qui partent en fumée ce vendredi 4 mai 2018. Je ne peux pas m’empêcher de m’en vouloir, c’est plus fort que moi. Qu’est ce qui a foiré ? Cet exercice d’attention ? Les maths ? Le français peut être ? Je ne le saurais jamais car Air France ne communique pas nos résultats. Nous savons simplement si nous sommes retenus, ou pas. Rien de plus. Rien pour comprendre ce qui s’est réellement passé ce 26 avril et capitaliser sur mes faiblesses. Je dois l’accepter. Je dois passer à autre chose. Si seulement j’y arrive… Ca me tenait tellement à coeur. Peut être trop justement ?

Aujourd’hui, quasiment un an plus tard, j’ai l’immense privilège d’avoir une seconde chance. En effet, je me suis représenté aux sélections Cadets fin 2018, et ai réussi la phase de présélection début 2019. Air France m’a donc convoqué le 5 mars pour passer les PSY1. Cette fois-ci, je me sens plus serein. Moins de précipitation et donc plus de temps de préparation, notamment sur des sujets de fond comme le calcul mental que j’avais largement négligé en 2018. Avoir une expérience de la sélection est également un avantage. Allez, je me remets au boulot.


Edit du 13 mars 2019 : Les résultats PSY1 sont tombés : cette fois, c’est positif ! Quel soulagement. Preuve en est qu’il ne faut jamais rien lâcher ! Après un an de doute, de travail, de patience et de stratégie, cette étape est finalement passée ! Mais rien n’est terminé pour autant. Toutes les cartes sont désormais rebattues. Il faut se préparer à la dernière étape.

La suite dans cet article !

Olivier

2 Comments

  1. Super article Olivier !
    Quel récit agréable à lire, je me revois il y a quelques mois. Merci pour ce partage 🙂
    On est dans le même bateau (ou camion, je sais que tu auras la référence) pour la session 2019. Je te tiens les pouces et j’espère que nous nous retrouverons dans un cockpit, mais avant ce moment tant attendu, sur les bancs de l’école de pilotage L3…

    Il ne faut rien lâcher, dernière ligne droite 🙂

    Elise
    – elfly d’aeronet 🙂

    1. Bonjour Elise,
      Je te réponds un peu tard, je n’avais pas vu ton commentaire !
      Merci beaucoup pour tes encouragements, je te souhaite également le meilleur pour cette année de sélection, en espérant que tu sois vite appelée aux PSY1.
      De mon côté, les camions c’est terminé ! 😉
      Olivier

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