Stage d’Adaptation à l’Exploitant
Tout pilote professionnel qui entre dans une nouvelle compagnie aérienne commence par suivre un stage initial d’adaptation, que l’on appelle un SADE (Stage d’Adaptation à l’Exploitant) ou OCC en anglais (Operator Conversion Course). Pendant le SADE, le nouveau pilote est accueilli par l’entreprise, passe une visite médicale du travail, récupère un certain nombre de documents administratifs, et prend connaissance de toute la documentation technique et des procédures spécifiques à sa nouvelle compagnie (qui peuvent être différentes de la précédente). Ce stage dure en moyenne une semaine.
En tant que Cadet, bien que nous soyons déjà en contrat avec Air France depuis 2022, nous devons tout de même effectuer un SADE, car nous passons officiellement du statut « Cadet en formation » au statut « Personnel Navigant ».
Avec Nicolas de ma promotion, nous sommes programmés pour le SADE du 28 février 2024. Nous sommes six au total : avec nous, un ancien pilote militaire, un copilote qui a travaillé pour AirBaltic; un commandant de bord Transavia, ainsi qu’une personne issue de compagnies d’affaires. Des profils assez diversifiés.
Nous nous rencontrons au siège d’Air France à Roissy, et la première journée consiste en une présentation globale de la stratégie de l’entreprise ainsi que du quotidien en tant que pilote affecté à la base de Roissy.
Le lendemain matin, nous passons une visite médicale du travail, et l’après-midi est consacrée à la remise de notre Ipad individuel, que l’on appelle « Pilot Pad ». Il présente de nombreuses applications qui nous permettront de préparer les futurs vols, d’organiser notre emploi du temps, de suivre la mise à jour des manuels d’exploitations, de réaliser nos e-learning etc.
Les jours suivants, nous sommes laissés en autonomie pour suivre un grand nombre d’e-learning sur l’aspect opérationnel chez Air France (traitement des matières dangereuses, sécurité et sûreté, cyber vigilance, exploitation des vols, et spécificités techniques).
La semaine de SADE se conclut par un quizz en ligne.
Nous sommes alors convoqués pour l’étape suivante, et de loin la plus attendue : la qualification sur Airbus A220, l’avion que nous piloterons une fois en ligne dans la compagnie !
Qualification de Type (A220)
Cette phase s’appelle la QT (Qualification de Type) ou TR en anglais (Type Rating). Elle consiste à nous apprendre l’intégralité des systèmes de l’avion, puis de restituer dans un simulateur l’ensemble des procédures normales mais aussi anormales (autrement dit, le traitement des pannes). Cette phase dure environ 1 mois et demi à 2 mois et se termine par un contrôle de compétences (un « skill test ») validé par un examinateur.
Néanmoins, comme nous sommes issus d’une formation Cadet avec peu d’expérience, Air France nous a proposé ce qu’on appelle une « pré-QT », semblable à un stage d’initiation avant la QT pour mieux nous y préparer.
La pré-QT consiste donc en deux journées théoriques pour découvrir globalement l’interface et le système de pilotage de l’A220, puis de cinq séances de 4h sur un simulateur FFS « Full Flight Simulator» (qui reproduit les sensations de mouvement) pour nous familiariser au pilotage manuel.
Bien qu’appelé « Airbus A220 », cet avion est en réalité bien loin de la philosophie de pilotage d’Airbus. A l’origine nommé « C-Series 300 », il a en effet été conçu par l’avionneur canadien Bombardier avant de se faire racheter par Airbus en 2017.
Avion de nouvelle génération, il présente de véritables avantages pour les pilotes ainsi que pour les passagers. Les sensations de pilotage sont très agréables.
La pré-QT se conclue par une séance de synthèse le 22 mars dans laquelle nous effectuons un décollage, du pilotage manuel, une panne moteur, une remise de gaz et une approche de précision sans aucun automatisme.
Une dizaine de jours plus tard, nous sommes convoqués pour démarrer la phase de QT à proprement parlé.
Celle-ci débute par une semaine d’e-learning afin de découvrir et de comprendre l’intégralité des systèmes de l’avion : le groupe turboréacteur, les systèmes hydraulique, carburant, électrique et pneumatique, le train d’atterrissage, les commandes de vols électriques, etc…
Après un questionnaire de 100 questions auquel nous devons présenter au moins 75% de réussite, nous entamons une série de 8 séances de simulateur FFS de 4h avec mon binôme Augustin que j’ai rencontré en SADE.
Nous apprenons, entre autre, à effectuer une préparation complète du poste afin d’être opérationnel sur la phase de départ, mais aussi à gérer une multitude de situations anormales et d’urgence : un arrêt du décollage, une fuite hydraulique, un feu moteur, un train d’atterrissage bloqué, ou encore une dépressurisation.
Lors de la 9ème séance de simulateur, mon binôme est pour la première fois un commandant de bord de la compagnie, afin que je puisse me familiariser avec la composition d’un équipage standard (un commandant en place gauche, un copilote en place droite). C’est aussi l’occasion pour moi de découvrir les procédures par très mauvaise visibilité (LVP = Low Visibility Procedures) et d’assister à un atterrissage automatique.
La phase d’apprentissage se conclut par mon skill test au simulateur le 14 mai 2024. Bien que je sois seul à être évalué par l’examinateur, je suis accompagné par une commandant de bord « support » afin de respecter un équipage standard à deux pilotes.
Après la vérification administrative des licences de chacun, l’examinateur me décrit le déroulé de la séance et m’interroge pendant le briefing sur le thème « détection et lutte incendie » de l’A220, incluant des questions sur l’utilisation et la compréhension des boutons et voyants liés à ce système.
Une fois installés dans le simulateur, nous démarrons, en première partie, par un voyage fictif d’Orly vers Lyon, pendant lequel nous devons gérer quelques pannes : un écran de bord qui s’éteint soudainement au roulage, une panne de génératrice en montée, une alerte de collision de trafic puis une panne moteur qui nous contraint à revenir se poser à Orly.
S’ensuit une seconde partie avec un enchainement d’exercices obligatoires : un atterrissage aux instruments en manuel, une panne moteur en remise de gaz, un atterrissage avec un seul moteur, une approche sans guidage vertical, etc.
Au bout de 4h, le skill test est validé ! Je prends note des remarques très pertinentes et justes de l’examinateur qui me serviront pendant la phase suivante.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je ne suis pas encore complètement qualifié sur l’Airbus A220.
En tant que Cadet, comme nous n’avons aucune expérience précédente de pilotage d’avion de ligne, la réglementation européenne prévoit au moins une familiarisation réelle avec l’avion afin d’être définitivement qualifié. C’est ce qu’on appelle le Vol Hors Ligne (VHL) pendant lequel des tours de piste à vue sont effectués avec l’avion afin de maitriser les véritables sensations d’arrondi et d’atterrissage.
Vol Hors Ligne
Nous sommes 9 stagiaires de prévus (dont 2 cadets de ma promotion) ainsi que 3 instructeurs pour la session VHL du 19 et 20 juin 2024 à l’aéroport de Châteauroux Centre.
La logistique s’articule ainsi : nous nous retrouvons tous à Roissy le mercredi 19 à 6h20, pour un vol de convoyage (à vide) entre Roissy et Châteauroux. Une fois sur place, nous débarquons et une salle de repli (les « ops ») est mise à notre disposition à l’aéroport pour la journée, ainsi que des chambres d’hôtel pour la nuit du mercredi au jeudi.
Les instructeurs font alors un point météo.
Malheureusement, les conditions sont défavorables pour que tout le monde puisse voler sur les deux jours… Par chance, je suis programmé l’après-midi du premier jour et le plafond nuageux, en dehors des averses et des orages, est assez haut à ce moment-là pour réaliser les tours de piste.
Je m’installe donc avec Thomas (mon binôme de VHL) et Yann (notre instructeur) dans l’A220 immatriculé F-HPNH.
Thomas commencera la séance pendant que je serais sur le siège de derrière en « safety » puis nous échangerons nos places au bout d’une heure. Yann, lui, sera toujours sur le siège commandant de bord à gauche.
Nous mettons en route les deux réacteurs PW1521G de l’Airbus sur le tarmac de Châteauroux. Une sensation exaltante mêlée d’une légère appréhension !
C’est parti pour 8 tours de piste en avion de ligne, où l’on restitue exactement ce que l’on a appris au simulateur.
Je ne saurais pas comment décrire parfaitement les émotions qui m’ont parcouru pendant ces deux heures mais j’en garde un souvenir incroyable. Les sensations étaient magiques.
On ne réalise pas tout à fait sur le moment car la séance est dense et demande une concentration continue.
Ce n’est qu’une fois sorti de l’avion que l’on se rend vraiment compte de l’envergure de l’appareil que l’on vient de piloter.
Un moment qui restera gravé pendant longtemps, et qui conclut la phase de QT mais aussi la fabuleuse expérience que nous avons vécu en tant que cadet de la compagnie.
La prochaine étape est désormais celle de l’adaptation en ligne (AEL), c’est-à-dire les premiers vols commerciaux avec passagers !
Bonjour Olivier, bravo pour ton parcours et merci pour toutes les infos détaillées ! Je suis en train de me préparer pour les PSY2 et ton récit m’a beaucoup aidé pour avoir une vision plus précise de la formation 🙂
Bonjour Martin,
Merci pour ton retour !
C’est un plaisir de partager toutes ces infos. 🙂
Bon courage pour la dernière étape de la sélection !
Merci beaucoup pour ce partage si riche en apprentissages et en expériences. Que d’émotions pour la lectrice aussi ! Quel beau parcours, félicitations !
Merci beaucoup pour ton gentil message Evelyne ! C’est un article qui me tenait particulièrement à cœur 🙂
Bise !