La suite de la formation reprend après l’obtention de la Qualification de Type (QT) sur Airbus A220, que vous pouvez retrouver dans cet article.
Pour un pilote, chaque QT entraine une période d’Adaptation En Ligne (AEL) au sein de la compagnie aérienne. C’est une phase pendant laquelle le stagiaire, copilote ou commandant de bord, met en œuvre sa capacité à piloter son nouvel avion dans des conditions d’exploitation réelles, accompagné d’un instructeur.
De mon côté, issu de la formation cadet, je débute donc ma première AEL en tant que copilote sur Airbus A220. Afin de valider celle-ci, je dois réaliser une quarantaine « d’étapes », c’est-à-dire effectuer quarante vols commerciaux avec passagers.
Pendant ces deux mois d’adaptation en ligne, nous devons également nous familiariser avec les manuels d’exploitation de la compagnie, communément appelés les « Manex ». Il en existe quatre catégories :
- Le Manex A présente la politique générale de la compagnie en termes de sécurité, de sureté et de réglementation. Il regroupe également l’ensemble des consignes d’exploitation au quotidien appelées « procédures opérationnelles ». Le Manex A est commun à tous les pilotes des divisions long et moyen-courrier.
 - Le Manex B, quant à lui, se focalise sur la mise en œuvre et l’exploitation technique de chaque avion de la compagnie. Dans mon cas, le Manex B est celui de l’Airbus A220.
 - Le Manex C contient les documents relatifs à la navigation aérienne, c’est-à-dire les manuels de route, les fiches aéroportuaires ainsi que les particularités des différentes régions du monde ou de certains pays.
 - Enfin, le Manex D est en lien avec la formation et le maintien des compétences du personnel navigant. Il est surtout utilisé par les instructeurs.
 
L’adaptation en ligne est l’occasion pour moi d’étudier en particulier les Manex A et C. Le Manex B, lui, nous a déjà servi pendant la phase de QT.
Avant de commencer le marathon de ces quarante-six étapes, la compagnie nous place sur un vol d’observation où nous accompagnons un équipage sur une demi-journée. L’occasion de voir une première fois « en vrai » comment se déroule l’ensemble d’une journée type, de la préparation des vols au demi-tour en escale, tout en pouvant observer les pilotes au cockpit depuis le jumpseat.

En l’occurrence, j’ai accompagné Eric et Philippe début juillet 2024 sur un aller-retour Birmingham depuis Roissy. Leur accueil a été plus que chaleureux et je les remercie encore pour tous les conseils qu’ils m’ont donnés en l’espace de quelques heures !
Une après-midi qui semblait déjà mémorable.
J’étais encore loin d’imaginer la suite.
Quatre jours plus tard, le réveil sonne à 3h30 du matin.
C’est le jour J.
La nuit fut plutôt courte, mais je me sens reposé et concentré.
Je me prépare de façon mécanique, en ayant en tête que cette journée ne ressemblera probablement à aucune autre.
Après quarante minutes de voiture, j’arrive au parking du personnel navigant à l’aéroport de Roissy.
Le rendez-vous avec l’instructeur commandant de bord est fixé à 5h15, deux heures avant le départ prévu de l’avion à 7h15.
Dans un des box de la salle de préparation des vols, nous faisons connaissance et il se montre rassurant sur les objectifs de cette première journée :
« Fais comme tu as appris au simulateur »
L’idée est de restituer les procédures standards (appelés SOPs pour Standard Operating Procedures) dans un cadre opérationnel. Rien de plus, rien de moins.
Un troisième pilote, qualifié « de renfort », nous accompagnera sur les quatre premiers vols, afin de nous aider à gérer la charge de travail supplémentaire induite par ce premier vol d’instruction.
Après l’étude du dossier de vol dans son ensemble, comportant les risques météos et aéroportuaires du jour, les particularités passagers, la revue du plan de vol, et l’état avion, nous décidons d’une quantité d’emport carburant.
Nous retrouvons ensuite l’équipage commercial (3 PNC) dans leur box de préparation, faisons connaissance et rappelons les particularités du jour.
C’est désormais le moment de rejoindre l’avion à son point de stationnement au terminal 2F.
Il est 6h30.

Je m’installe en place droite dans le poste de pilotage et débute les procédures de préparation de l’avion pour notre premier vol vers Barcelone. Nous avons 45min avant le départ.
Vers H-35, j’entends les premiers passagers embarquer mais je n’y prête pas plus attention : je suis concentré à faire « comme au simulateur ».
Rapidement, les opérations de départ semblent se terminer. Je n’ai pas encore réellement conscience du timing quand je jette un œil au panneau d’affichage devant nous : il est déjà H-5.
Après avoir traité les derniers éléments du plan de chargement définitif, l’instructeur se tourne vers moi et me faire sourire :
« Pour un premier vol, tu es à l’heure ! Espérons que ça dure ! »
7h15. Nous sommes prêt au repoussage et à la mise en route des moteurs.
C’est à cet instant que je prends quelques secondes pour réaliser ce qu’il m’arrive.
Je n’ai pas de mot pour le décrire.
Mes yeux témoignent à eux seuls de cette vague d’émotion.
L’instructeur demande alors l’autorisation de roulage pour quitter notre aire de stationnement. Je manœuvre l’avion jusqu’à la piste sud pour nous aligner, prêts au décollage.
Etant probablement très concentré, j’ai moins de souvenirs de ce moment précis.
Mais une fois en l’air, en montée vers notre niveau de croisière, je reprends un instant pour en profiter pleinement.

Nous préparons ensuite notre arrivée vers Barcelone.
Pendant l’approche initiale, tout s’accélère. Nous sommes raccourcis et je me souviens d’un environnement sonore très chargé entre les contrôleurs et la quantité d’avions dans la zone, ayant du mal à comprendre l’ensemble des messages radios anglophones.
L’instructeur me rappelle de me focaliser sur la trajectoire et le pilotage de l’avion.
Comme à Châteauroux lors du VHL, je trouve que l’approche finale est plus « turbulente » qu’au simulateur et l’instructeur me guide de manière précise sur les corrections à apporter aux paramètres de vol.
Je réalise mon premier atterrissage sur la piste 24R !
Une fois au parking, nous avons cinquante minutes pour préparer le vol retour vers Paris Charles de Gaulle.
Enfin, le troisième et dernier vol de la journée s’effectuera entre Roissy et Copenhague, où nous arriverons vers 15h. Une première journée très intense.
A l’aéroport de Copenhague, nous laissons l’avion à un nouvel équipage qui repart vers Paris, tandis que le nôtre se dirige vers la sortie du terminal.
L’atmosphère très opérationnelle de la journée glisse vers une ambiance plus détendue une fois que nous sommes dans la navette équipage pour rejoindre notre hébergement au centre de Copenhague.

L’escale sera néanmoins d’assez courte durée, puisque nous repartons le lendemain matin de bonne heure : le réveil est programmé à 3h50.
Je m’endors avec des souvenirs plein la tête.
La seconde journée démarre avec un retour à l’aube vers Paris suivi d’un aller-retour à l’aéroport de Milan Malpensa, où je garde en mémoire ma première traversée des Alpes. J’en ai pris plein les yeux.

Cette première rotation de deux jours, comprenant 6 « étapes », c’est-à-dire 6 vols, s’achève à Roissy où nous prenons le temps de débriefer avec l’instructeur. Celui-ci revient sur certaines situations pour m’évaluer selon les compétences attendues par la compagnie : la communication, la gestion de la charge de travail, le respect des procédures, la conscience de la situation et le travail en équipage. Une feuille de note sera ainsi rédigée et permettra au prochain instructeur, lors de la rotation suivante, de me faire progresser sur ces compétences.
Le mois de juillet s’enchaine ensuite avec une rotation « journée » de quatre étapes, un aller-retour Amsterdam (où j’effectue ma première remise de gaz) suivi d’un aller-retour Copenhague, puis de deux autres rotations de deux jours, avec escale à Genève à Prague. Le travail de préparation des vols est colossal !
Le mois d’aout débute avec une journée à Roissy consacrée à nous donner des informations complémentaires pour notre AEL : aide à l’utilisation de certains outils, revu des procédures spécifiques à Charles de Gaulle, ou encore un approfondissement de certains chapitres des Manex A et C.
S’ensuit quelques jours plus tard une séance au simulateur de « mi-AEL », pendant laquelle nous revoyons surtout le traitement des pannes et des procédures anormales.
Les rotations en vol reprennent ensuite afin d’arriver aux quarante-six étapes requises pour un copilote cadet.

Fin aout 2024, mon AEL se termine avec un vol de lâcher, appelé LECi (Controle En ligne Initial).
Sur un aller-retour Porto, une examinatrice m’observe depuis la préparation des vols jusqu’au retour à Roissy. Les conditions du jour sont assez marginales : un épais brouillard à Porto contraint le trafic aérien à différer notre départ de plus d’1h30.
Malgré cet aléa, les deux vols se déroulent très bien et le plus important est que je me sente en confiance et à ma place.
Mon esprit vagabonde alors un instant.
Je repense au petit adolescent de 14 ans qui s’émerveillait devant le cockpit d’un avion de ligne pendant son stage de 3ème à Orly. Ce garçon discret qui rêvait dans son coin mais qui n’avait encore ni les clés ni la confiance en lui pour concrétiser ce projet. Tout lui semblait si loin et inaccessible…
Le frein de parc serré, la voix de l’examinatrice derrière moi me ramène au présent :
« Félicitations, tu es officier pilote de ligne ! »
Crédit photos : Olivier B.
				
Je viens de découvrir le blog et c’est littéralement canon.
Merci d’avoir partager ton parcours.
Passionné de transport aérien, lorsque j’avais 20 ans je n’ai pas oser sauter le pas (dans les années 1998-2000, c’était un paris avec endettement sur 20 ans sans réelle assurance de carrière ensuite). tu es allé au bout de tes rèves, c’est beau. J’ai quelques regrets aujourd’hui mais je fais du xplane pour compenser 🙂
Bons vols.
Bonjour Sylvain,
D’abord merci pour ton message c’est super sympa
Le contexte était bien sûr différent à la fin des années 90. Les opportunités sont malheureusement cycliques et le facteur chance entre toujours en compte… L’arbitrage n’est jamais simple sur le moment et il est facile de s’auto-juger après coup.
Bonne soirée
Olivier
Salut Olivier,
Sympa de lire ce nouvel épisode! Au plaisir de te re-croiser à CPH 😉
Salut Mohamed,
Merci pour ton message
Carrément, n’hésite surtout pas à venir dire bonjour comme la dernière fois !
À plus !
Étant actuellement en train de préparer les PSY1 des cadets AF, vos récits sont de vrais sources de motivation !
Encore bravo pour cette belle réussite !
Merci pour votre retour ça me fait plaisir
Je vous souhaite le meilleur pour la suite de la sélection. Bon courage pour les PSY1!
Olivier
Toujours aussi cool de suivre tes aventures depuis nos AT3 à LFPN qui portaient déjà les couleurs de ta compagnie ! 😉
Bons vols !
Trop content de lire ton message Félicien ! Merci beaucoup.
J’espère que tout va bien pour toi
Au plaisir de te recroiser un jour dans l’avion !
Super merci pour l’update !
Avec plaisir Thomas ! J’espère que tout va bien pour toi